Verrou de Bordeaux : l’inutilité dissuasive

Les journées passées dans les jardins verdoyants de la Citadelle de Blaye pendant le mois de mai sont particulièrement agréables. La fraîcheur de l’estuaire et son cadre verdoyant invitent à la flânerie. Il fut un temps où ce site était un pré carré militaire. Dans un précédent article nous avions parlé des Batteries oubliées de la citadelle de Blaye, revenons aujourd’hui aux fondements du Verrou de Bordeaux.

Les grandes infrastructures de défense construites à partir du XVIIe siècle ont toute été marquée à un moment donné d’obsolescence puis d’inutilité soit par la nature même de leur structure soit par l’évolution des techniques militaires et de l’artillerie. Le verrou de Bordeaux conçu par Vauban entre Blaye et Cussac ne sera jamais exploité ce pour quoi il était conçu.

Quand Sébastien Vauban réalise le tour des fortifications de la Rochelle jusqu’à Bordeaux, il pointe de nombreuses faiblesses. Sur le chemin de la capitale girondine, la voie est grande ouverte aux navires adverses et peu de choses s’oppose à une avancée hostile. Le Château de Blaye et les nombreux promontoires sur l’estuaire (notamment à Meschers, île d’Issan et île Cazeau) semblent dérisoires en regard du risque important d’attaque des flottes adverses. Les navires qui patrouillent sur le fleuve depuis leur mise en place à la demande de la Chambre de Commerce de Bordeaux au XIVe siècle n’ont pas démontré non plus leur efficacité.

Dès le XVIIe siècle l’artillerie au sol s’était développée. A la pointe du Médoc, les Forts du Verdon (Chambrette) et de Gerolle furent les premières positions à terre installées pour protéger l’estuaire. Mais se dispositif n’est pas jugé suffisant par Sébastien Vauban. Ils seront d’ailleurs plus tard balayés par la mer.

Afin de bloquer toute pénétration par l’estuaire et un débarquement de troupes, il est décidé de construire un ensemble de fortifications composé de la Citadelle de Blaye, du Fort Médoc à Cussac et du Fort Paté au milieu de l’estuaire. Ce dernier doit couvrir l’intervalle entre les deux forts, faute d’avoir une artillerie capable de croiser le tir sur la largeur de l’estuaire (3km). L’ensemble est construit entre 1685 et 1691. Une partie de la ville de Blaye sera même déplacée pour laisser place à la citadelle.

A la mise en service du Verrou, l’artillerie a considérablement évolué et le dispositif déployé est déjà en partie inutile. Le temps de sa construction, il est devenu totalement obsolète. Cependant, il va participer jusqu’au XIXe siècle à la force de dissuasion des dispositifs mis en place par Vauban le long des frontières de la France. Remises au goût du jour jusqu’à la première guerre mondiale, la majorité de ces places fortes participeront au mythe de l’inviolabilité du territoire soutenu par la propagande auprès des populations.

A Bordeaux, aucune armada depuis les Vikings ne parviendra jusqu’au port de la lune, mais ce n’est au fond qu’une simple coïncidence. Bordeaux devra son salut aux puissances fortifications de Charente-Maritime.

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