580 : le jour où la côté girondine a perdu plusieurs kilomètres

Les tempêtes récences et notamment de 1999 et de 2009 ont marqué les esprits aussi bien par l’étendue des destructions que par les blessures dans la population. Si on remonte à des temps plus anciens, les cataclysmes de l’an 600 ont longtemps été associés à un « déluge » et ont marqué le début du retrait du trait de côte de l’ère moderne.

L’immeuble Le signal touché par l’érosion. Photo DRA 2018

L’immeuble du Signal à Soulac-sur-Mer et les vestiges du mur de l’Atlantique sont des repères visibles de l’érosion marine du XXe siècle. Pourtant dans des temps plus anciens, les changements furent bien plus profonds.

Pendant l’ère romaine, la côte laisse apparaître l’embouchure de plusieurs rivières qui s’écoulent depuis les marais du Médoc. Les plus importantes forment des estuaires et seront à l’origine de la formation des grands lacs du Médoc. La péninsule médulienne ouvre ainsi des espaces favorable à l’établissement de ports s’ouvrant sur l’océan Atlantique ou sur l’estuaire de la Gironde. De nombreuses théories, appuyées en particuliers par les écrits de Ptolémée, ont alors évoqué la présence de cités mythiques comme Noviomagus ou l’île d’Antros au delà du monde actuel. Ces théories sont encore aujourd’hui difficiles à confirmer.

Avant l’an 580,  les côtes  sont très découpées et occupent une surface immergée qui s’étend au delà du Phare de Cordouan. La carte schématique que propose Pierre Buffault dans son « Étude sur la côte et les dunes du Médoc » présente une vision assez consensuelle de la physionomie du Médoc après la chute de l’empire romain. Les eaux calmes ont permis le développement de comptoirs de commerce au bord de l’océan. Selon des mesures récentes, le trait de côte se situait à environ 8 kilomètres de l’actuelle Soulac-sur-Mer. La presqu’île est alors inhospitalière (on parle alors de « fin des terres ») et le gros de la population se situe sur les rives.

Les chroniques rapportent que vers l’an 580 (574, 592, 600 selon les interprétations de l’époque) de profonds cataclysmes eurent lieu. Des tremblements de terre suivi de tsunamis et d’inondations ont créé le chaos sur les terres médocaines et d’Aquitaine. Pendant près de 15 ans, la succession de ces inondations a été associée dans la mémoire locale comme le « déluge de l’an 600 ». La chronique de Ermoaldus Niger ou Ermold Le Noir (env 790-838) rapporte les faits sans préciser de date précise. Même si les témoignages contemporains doivent être pris avec prudence, des études menées ces dernières années tendent à confirmer qu’à l’occasion de ces grands troubles, la côte a été grignotée sur plusieurs kilomètres d’un seul  coup.

A partir de cette époque, la physionomie de la côte prit progressivement son visage actuel d’une terre battue par un Océan capricieux et agressif. A partie du VIIe siècle, les côtes perdirent régulièrement du terrain. En près de 14 siècle, la côte de la Gironde aura reculé de près de 8 kilomètres sur la mer.

Vers l’an 1200, les grands lacs se forment et déjà certaines portions de la côte se trouveront au niveau d’aujourd’hui. Mais là c’est une autre histoire…

L’érosion marine a poursuivi son travail et les Blockhaus allemands de la seconde guerres mondiale en sont devenu les témoins.

Please follow and like us:
error1
fb-share-icon
Tweet 20

6 Replies to “580 : le jour où la côté girondine a perdu plusieurs kilomètres

  1. Bonsoir,
    Merci pour votre article sur le cataclysme de 580 qui a remodelé la carte du Médoc. Pouvez-vous donner plus d’info sur la Chronique de Ermoaldus Niger ?
    Merci

    1. Bonjour,
      Ermold Niger (ou Ermold Le Noir) est un poète et chroniqueur du IXe siècle. Il est connu pour son Poème sur Louis le Pieux, et épîtres au roi Pépin. Il y rapporte les faits et gestes de la vie quotidienne de Louis Le Pieux. L’ouvrage est en un latin plutôt austère. Ces textes sont nommés dans de nombreux ouvrages de référence qui traitent de la période transitoire entre antiquité et moyen-âge, même si les faits rapportés par Ermold Niger ne sont pas clairement positionnés dans le temps (entre le VIIe et le IXe siècle.
      Cdlt

  2. Bonjour, dans la chronique de l’église Ste. Radegonde à Talmont on peut lire qu’une partie de l’édifice s’est effondré au 14è suite à une crue. Regardant le niveau de l’église cela semble bizarre que les crues de la Gironde montent à une telle hauteur. Est-il possible qu’il s’agit plutôt d’un tsunami? Il y a toujours un risque?

    1. Bonjour,
      L’estuaire de la Gironde est soumis à un double phénomène, celui des marées avec leurs variations (et possiblement des hausses de niveaux dues à des évènements climatiques) et celui des crues amont. Si on regarde les derniers épisodes de crue en amont, la conjonction avec mes fortes marées a pu augmenter le phénomène. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’avoir un tsunami pour voir l’église de talmont touchée, probablement une conjonction de multiples phénomènes : fortes marées, vent de l’ouest et crue amont.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.